Track Listing : I (05:24), II (07:40), III (05:56), IV (07:17), V (05:05), VI (09:18), VII (06:49), VIII (09:12)
Release : 14/01/2014
Avant toute chose, laissez-moi vous raconter une petite anecdote. Il y a quelques temps à Rouen, les forains manifestaient suite à la décision prise par la mairie de déplacer la Foire Saint Romain. En ville, on se serait cru en pleine guerre civile : de la fumée, des flammes, les forces de l’ordre à tous les coins de rue, des sirènes qui ne cessaient de résonner dans le lointain, les voitures agglutinées, les piétons curieux, agacés ou apeurés qui se bousculaient… Et moi, comme tous les matins, j’allais tranquillement travailler, le casque vissé solidement sur les oreilles. C’est ainsi que j’ai découvert l’album de Grey Widow pour la première fois. Autant vous dire que le spectacle était parfaitement raccord avec toute la crasse dégoulinante de mes écouteurs.
L’objet physique en lui même est plutôt sobre, mais sympathique. Au niveau des titres, là non plus, pas de superflu : le groupe a opté pour des chiffres romains qui suivent le track listing, ce qui a son côté pratique quand on écoute ses CD dans la voiture ou sur un vieux poste incapable d’afficher autre chose que le numéro de la piste.
Rentrons maintenant dans le vif du sujet. Grey Widow, c’est du Sludge / Doom poisseux qui colle à la peau et te claque au sol. I, c’est une histoire de haine, de souffrance et de torture. Par mesure de sécurité, les âmes sensibles et les oreilles les plus délicates sont donc priées de se tenir à l’écart.
La première force du groupe, et celle qui fait toute son efficacité, c’est d’avoir réussi à créer quelque chose d’original et bien à lui, sans pour autant chercher à s’éloigner des sentiers battus. Bien que Grey Widow ne réinvente pas le genre, on constate qu’il est assez difficile de lui trouver des points communs avec d’autres artistes jouant dans la même cour. En cherchant bien, on pourra éventuellement voir quelques similitudes avec Thou ou certains titres d’Eyehategod, mais ça s’arrête là. En ce qui concerne les compositions, là non plus, rien de mirobolant, pas de claviers ou d’effets synthétiques à outrance. C’est brut. L’authenticité qui en ressort est d’ailleurs renforcée par le jeu frénétique des musiciens, jouant comme si l’avenir du monde en dépendait.
Toutes les techniques sont bonnes quand il s’agit de rendre une expérience musicale pénible et douloureuse. Dans I, II et III, les riffs sont incisifs, la violence qui s’en dégage est directe, frontale, alors que IV, VI et VIII distillent dans l’atmosphère quelque chose de plus insidieux, qui nous saisit de l’intérieur. L’agencement des pistes a aussi son importance. Au fil des titres, les parpaings s’alourdissent. D’où l’importance d’écouter cet album dans l’ordre (sauf si, évidement, tu veux directement passer aux choses sérieuses sans échauffement. Dans ce cas, je te conseille VII, de préférence à plein volume).
De manière générale, l’enregistrement est propre, même si le mixage fait que, sur certains morceaux, notamment sur IV, les backing vocals se démarquent un peu trop, venant perturber la dynamique du morceau. Quoi qu’il en soit, bien que l’album soit un vrai petit bonheur pour les misanthropes qui aiment regarder le monde avec mépris du haut de leur tour, si vous en avez l’occasion, je vous conseille vivement d’aller les voir en concert (vous pouvez d’ailleurs retrouver le live report de leur concert à L’Emporium sur notre site).